ANNA GAINEY LIBÉRÉE DU PASSÉ

Bertrand Raymond Journal de Montréal

Texte intégral paru sur Canoe.com

S ‘il existe une personne de souche anglophone qui mérite d’organiser un beau party en plein coeur de Montréal le jour de la Saint-Jean- Baptiste, c’est Anna Gainey, la fille de vous savez qui.

Respectueuse de la culture de son milieu d’adoption, comme son père l’a toujours été, elle s’exprime dans un français remarquable.

La Fondation Gainey, dont Anna est l’unique employée à temps plein, est à mettre sur pied un spectacle qu’elle présentera au Métropolis et qui constituera une collecte de fonds par la même occasion.

C’est la seconde fois que les Gainey se risquent à présenter une soirée de ce genre. Il y a quelques semaines, ils l’ont fait dans le giron familial, à Peterborough. Tout Peterborough est sorti ce soir-là pour honorer l’un de ses fils les plus courageux. Dans cette petite ville du centre de l’Ontario, le concert a rapporté 120 000 $.

«C’était voulu que cette seconde soirée ait lieu le 24 juin, précise Anna. On va organiser une belle soirée bilingue qui, nous l’espérons, sera parfaitement réussie.»

Il s’agit d’un beau clin d’œil fait à Montréal par les Gainey dont le père, aujourd’hui directeur général de l’entreprise la plus en vue au Québec, est arrivé ici au début des années 1970 avec son amie de coeur rencontrée sur les bancs d’école à Peterborough.

Cathy et Bob Gainey ont eu quatre enfants qui sont tous nés à Montréal : Anna, Stephen, Laura et Colleen.

Anna et Stephen ont été placés en immersion française dans une école de Westmount. Les deux plus jeunes ont eu le temps d’être initiés au français avant leur départ de Montréal.

«Pour mon père, c’était très important que les enfants apprennent le français parce qu’il avait trouvé difficile de s’y mettre lui-même à l’âge adulte, explique Anna. Toutefois, c’est vraiment à Épinal, où tout se passait en français, du matin jusqu’au soir, que nous sommes parvenus à mieux maîtriser la langue.»

Après un long parcours qui les a menés à Épinal, en France, puis au Minnesota et à Dallas, les voilà de retour à Montréal, Bob, Anna et Colleen, pour y vivre. Seul Stephen, impliqué dans le hockey dans l’Ouest canadien, n’y est pas.

PAS PRISONNIÈRE DU PASSÉ

Anna Gainey a épousé un Montréalais en janvier. Comme l’avaient fait ses parents, elle a rencontré son homme alors qu’ils étudiaient au même endroit, à Londres.

Par un curieux détour de la vie, non seulement les Gainey sont-ils revenus à Montréal, mais Anna occupe actuellement un bureau à quelques pas de celui de son père, au septième étage du Centre Bell. Un tout petit local qui est devenu le centre nerveux de la Fondation Gainey.

On ne se contera pas d’histoires, si Laura n’avait pas trouvé la mort en mer, en décembre 2006, cette fondation n’existerait pas.

C’est à la douce mémoire de Cathy et de Laura Gainey qu’elle a vu le jour. La fondation offrira, sur demande, des programmes éducatifs pour les jeunes dans des sphères qui étaient chères à Laura, celles de l’environnement et des arts. Anna précise que son travail à la fondation ne la ramène pas quotidiennement dans les dures épreuves qu’elle a vécues, mais elle dit savoir pourquoi elle le fait. Cette belle jeune femme n’est nullement prisonnière d’un passé douloureux.

«La fondation est un moyen pour la famille de bâtir l’avenir, dit-elle. C’est aussi une façon pour nous de retourner à la communauté tout l’appui et l’amour que nous avons reçus. On se souvient de celles qui ne sont plus là, mais on regarde vers l’avenir.»

Anna est solide, on le sent. Elle avait 12 ans quand elle a appris que sa mère était atteinte d’un cancer au cerveau. Elle en avait 17 quand Cathy en est morte. Finalement, à l’aube de ses 30 ans, elle a perdu sa sœur d’une façon horrible, sans qu’on ait pu la retrouver pour faire son deuil.

Les deux plus jeunes, Colleen et Laura, avaient sombré, chacune leur tour, dans une profonde dépression à l’occasion du décès de leur mère. Anna a surmonté l’épreuve à sa façon, sans s’effondrer.

«Tout le monde réagit de façon différente à une situation comme celle-là, qu’on soit l’aînée ou la plus jeune de la famille, souligne-t-elle. Lorsque ma mère est tombée malade et qu’elle a succombé à cette maladie, j’ai trouvé cela difficile, mais je n’ai pas ressenti la même colère que Laura.»

RECRÉER L’OEUVRE DE SA MÈRE

Colleen avait cinq ans quand elle a trouvé sa mère inanimée sur le plancher de la salle de bains. Ses souvenirs de Cathy sont donc plutôt vagues, mais Anna affirme qu’elle est parfaitement capable de lui rappeler la mère qu’elle a été pour eux.

«Nous ne manquons pas de ressources pour en apprendre sur ma mère qui était la 15e d’une famille de 19 enfants ; la famille est encore très grande autour de nous», précise-t-elle.

Anna poursuit son récit en affichant un sourire serein. L’image qui lui traverse l’esprit est visiblement heureuse.

«Quand nous allions à l’école, mon frère et moi, nous revenions dîner chaque midi à la maison, enchaîne-t-elle. Nous amenions des amis avec nous. La maison était chaleureuse, très accueillante. C’est ma mère qui avait bâti tout ça et c’est ce que j’aimerais recréer à mon tour.»

Quant à Laura, elle est partie tellement tôt. Anna et elle, qui avaient beaucoup voyagé chacune de leur côté et qui avaient même étudié dans des pays différents, commençaient à peine à se retrouver quand l’horreur a frappé.

«On se rapprochait avec l’âge, avoue-t-elle. On découvrait qu’on avait des choses en commun.»

Quand le drame est survenu, Anna ne s’est pas apitoyée sur son sort. Il ne lui est jamais venu à l’esprit de s’exclamer : «Ah non ! Pas encore !» Elle n’a pas pensé que trop, c’était trop.

«Tout le monde subit des épreuves, dit-elle. Je ne connais pas beaucoup de gens qui ne sont pas obligés de surmonter des obstacles. Il faut faire de notre mieux et continuer d’apprécier la vie.»

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